mercredi 29 juin 2011

LE GRAIN

Le fracas du battage uppercute au rêveur son sommeil,
sa rétine ébahie ne peut happer le temps,
la modernité a cédé, emportée par l'élément,
minces bâtonnets gris  sur le morne réveil.
Par delà la rage une porte se rebelle,
plus haut le bois se plaint malgré l'ardoise,
fille bleutée d'un terreau fidèle,
qui résiste à l'ondée quoique le vent dégoise.
Il repousse le drap, se défait du corps aimant,
sa chaleur inquiète a perçu le danger,
des choses claquent, d'autres sont en tourment,
quoi, qui, où faut-il courir et protéger?
Nées au pied de l'église les minces lamelles font rempart,
cognent sur les verres mais le séparent
du grondant et crachant souffle vengeur,
surprenant l'endormi et le songeur.
Son regard dépend de la fragile bougie
et s'évanouit lorsque la mèche rougit.
L'escalier tremblote et son pas suit son tangage,
dans le chaos ils partagent le même langage,
mais brusquement c'est le silence
La maison s'est tue un instant, écoute dans l'inquiétude :
Que prépare en tempête la violente engeance?
Qu'a t-on oublié qui souffre un assaut rude?
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Le grain livre 1 domaine public
Puis le rugissement redouble,
bruits de tôles, hangars accablés,
la lueur s'efface, l'esprit se trouble,
ça mugit, ça timbale, ça rocke un tambour endiablé,
au flash zébreux mille rideaux s'arrachent,
La place noire cascade son trop-plein,
hystérie dansée que la sombreur lui cache.
Mais tandis que le village est plaint,
la rumeur s'affine,
le destin domine.
L'ire s'éloigne pour que la couleur revienne,
la radio répond, les luminaires se souviennent,
le courroux est parti.
Mais par là il y a un sort,
le vieux cerisier de ses branches s'est départi,
les gouttières lui pleurent un remords.
Il lui dit adieu,
un jour il le suivra mais il lui reste mieux,
quelques fruits à donner,
quelques fleurs à sonner.
Au jour la campagne lèche ses plaies,
le groseillier a égaré des feuilles mais gardé son troupeau,
ses grappes muriront au levant des blés espacés,
Le grain est passé...

mardi 21 juin 2011

PRIDE AU QUOTIDIEN

Entendu tout à l'heure sur une radio dance : "spéciale dédicace de Quentin pour Thomas". 
Ça me fait penser qu'il y a des années, dans une autre ville, notre état de couple ouvertement gay nous valait au mieux la froideur, au pire insultes et pétitions. Les seuls voisins avec qui parler étaient les extrême-gauchistes pour lesquels nous étions la minorité opprimée à soutenir. On ne les fréquentait que modérément car avoir pour seul sujet de conversation la liberté de l'orientation sexuelle, même nous, ça nous lassait. Je participais à toutes les marches contre l'homophobie et pour l'égalité, dans l'espoir de me fondre un jour dans la masse avec dignité.
Et justement mon quotidien avec les voisins a changé. En ce début d'été 2011, nous devons rencontrer plusieurs voisins d'ici. Celui de droite doit venir fêter la fin de la réalisation de la magnifique clôture en plastique qu'il a négociée pied à pied avec nous, et qui assure avec notre consentement ses fonctions d'occultation et de laideur rassurantes. Le troisième à gauche attend qu'on lui rende l'apéro qu'il nous a offert juste au début de l'hiver. Le quatrième à droite nous a amené une des premières salades de son jardin, et on va papoter coccinelles et engrais bio, il faut aussi qu'on lui offre de nos groseilles. Celui de gauche veut nous parler de notre haie végétale.

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Pride au quotidien François et Christophe tous droits réservés
Une autre, qui fréquente l'église quotidiennement, est venue demander conseil à Gabriel pour sa tenue de mariage. Il y a aussi celui que j'ai engueulé au sujet de son chien bruyant, avant de découvrir qu'il énerve également tout le reste du quartier. 
Et en deux ans on n'a parlé de notre orientation sentimentale avec aucun. Tout au plus m'a t-on demandé "Vous n'avez pas d'enfant, vous n'en voulez pas?". 
J'en conclus que j'ai bien fait de m'exhiber sur des camions et des chars quand je pouvais, et bien fait d'intégrer les cortèges des marches gays par la suite. Ça a marché, n'en déplaise aux grincheux. 
Alors oui, pour aider ceux qui habitent dans des banlieues plus populaires, ceux qui fréquentent les cours de récréation, qui travaillent en entreprise un peu fermée, qui veulent se marier normalement, que leurs enfants n'aient pas honte, sans parler de ceux qui vivent dans des pays moins favorisés, il est pertinent et positif de défiler encore et toujours dans les gay prides. La prochaine c'est celle de Paris, et ceux qui iront seront utiles et efficaces. 
C'est prouvé, spéciale dédicace.

mardi 14 juin 2011

DES JOURS ET DES VIES

Aujourd'hui encore, je n'ai pas donné mon sang. Encore un jour de perdu pour ce qui est de contribuer à sauver des vies.
La bêtise et le manque de culture scientifique des responsables ont encore privé le fameux établissement de ma contribution. 
Oui, c'est vrai mon sang est suspect, parce que je vis avec un homme. Et de plus ça ne date pas d'hier. Ni que je vive avec un homme, ni que mon sang soit rejeté. Autrefois j'ai eu une carte avec mes groupes sanguins, rhésus et tutti quanti. Je viens de la retrouver, par hasard. Je n'ose pas te dire de quand elle date, c'était l'époque où on voulait encore bien de ma production la plus précieuse. J'appréhendais un peu : A chaque fois j'avais un peu de mal me relever après, je voyais des étoiles, mais j'étais content. Je savais qu'au moins une partie de mon don servirait à quelqu'un.
En fait, les responsables l'ignorent et c'est bien dommage : C'est le sang des gens qui couchent à gauche et à droite, qu'il vaut mieux ne pas prendre. Refuser celui des homosexuels juste parce qu'ils le sont est aussi absurde que de faire des statistiques sur le don du sang contaminé chez les roux, ou les myopes. Ce n'est pas scientifique, lorsqu'on sait parfaitement comment le sida se transmet. D'ailleurs il y a des années j'avais une amie qui donnait son sang alors qu'elle ne faisait jamais de test, avec une vie de bâton de chaise. Mais elle était forcément "clean", puisqu'hétérosexuelle. Je l'ai perdue de vue quand son mari a appris pour ses multiples aventures et son absence de précautions.
Moi j'étais déjà interdit de don du sang. Malgré mon statut sérologique encore plus stable que ma vie sentimentale. La dernière fois que j'ai voulu donner, on m'a fait remplir un questionnaire. On ne m'a pas demandé si je baisais dans tous les coins, ou si j'étais séronégatif, mais si j'étais homosexuel. Comme si le sida se transmettait par l'orientation sentimentale et non par le sexe risqué. 
Alors messieurs les journalistes, il serait bon de ne plus relayer cet été les appels déchirants au don de sang, de ceux qui ne veulent pas du mien. Quand on refuse le pain, on ne crie pas ensuite famine. 
Veuillez aussi noter que si j'étais par malheur moi aussi blessé, je voudrais bien du sang compatible, fourni par des personnes déclarant ne pas prendre de risque, qu'ils soient gays, lesbiennes, blancs, noirs,... ou même hétéros. Et je les en remercierais. 
Heureusement ils acceptent encore mes organes.  Dans l'immédiat je vais les garder si ça ne les dérange pas, mais qu'ils ne changent pas d'avis avant que je sois prêt, merci.

lundi 6 juin 2011

LA PREMIERE FOIS QUE JE ME SUIS FAIT ARNAQUER

A dix-neuf ans, j'étais gravement fauché. A vrai dire j'ai failli atterrir sous les ponts, car les jobs que je trouvais étaient aussi précaires que mal payés. 
En plus pour être honnête, il faut dire qu'à la fin du mois, je dépensais mon petit pécule en quelques jours. J'ai mis des mois à comprendre que les sorties coûtaient très cher, et que de pourboire en verre supplémentaire, je mangeais mes trois sous.
Ce jour-là, j'étais entré dans cette boutique de vêtements pour un ensemble. J'attachais une certaine importance aux vêtements car j'étais encore très mal à l'aise avec mon presque mètre quatre vingt dix. C'est qu'être souvent le plus grand rendait difficile de passer inaperçu, pour quelqu'un d'émotif. N'en déplaise à ceux qui se lamentent de leur petite taille, être trop grand oblige à être dans l'air du temps, car l'air de rien est réservé aux personnes de taille moyenne. 
Et curieusement les manches trop courtes ou le bas du la chemisette qui arrive au nombril n'arrangent pas la confiance en soi. J'étais donc plutôt boutiques que grandes surfaces, et c'était lourd pour mon petit budget. 
Dès l'entrée dans le magasin le vendeur s'était dirigé vers moi en souplesse. Il m'avait entraîné loin des premiers prix que je regardais, pour me sortir d'une pile un magnifique sweet à manches longues. Le prix n'était pas raisonnable, mais ça ne coutait rien d'essayer. Je me retrouvai donc dans la cabine, et en sortant il me fallait reconnaître que le tee-shirt me flattait. Le vendeur devant le miroir eut les mots pour le confirmer, et m'en proposer un deuxième, d'une autre nuance, qui m'allait aussi parfaitement. Au point que j'hésitais fortement entre les deux . "Vous avez le temps d'y réfléchir, essayez ce pantalon avec." 
On put alors se concentrer sur la mise en valeur de mon fessier par les différents modèles. Bien entendu, il y en avait un assez luxueux et très bien coupé. 
Pour mettre en évidence le beau tombé du pantalon, je passai les chaussures de la vitrine, dont le vendeur me fit remarquer à quel point elles complétaient ma silhouette. 
J'en revins quand même à mon hésitation pour les tee-shirts, d'autant que le total était devenu faramineux. "Prenez les deux ou vous allez le regretter", un pantalon peut se mettre plusieurs jours de suite, après tout il avait raison.
En m'accompagnant à la caisse, il ne cessait de me convaincre de j'avais fait les bons choix. Je me disais que je pouvais bien me faire ce cadeau, pour une fois. 
J'essayais bêtement de me persuader  que je ne m'étais pas fait arnaquer, dans la mesure où j'avais beaucoup trop acheté pour mes moyens, mais que tout cela m'habillait comme un prince. Puis il m'accompagna jusqu'à la sortie du magasin.
Ce vendeur m'a tellement collé qu'il m'a été impossible de m'en défaire. J'ai été obligé de le rejoindre après la fermeture et on a fait des essayages sans vêtements chez moi pendant des heures. 
Un calvaire, comme tu peux l'imaginer. D'autant qu'il était vraiment canon.

dimanche 5 juin 2011

REVOLUTION DES MOEURS

Un mec allure bourrin, genre coq au milieu de la basse-cour,  prend des poses efféminées.
Pas pour se moquer, non, au contraire, il ne singe pas , il imite maladroitement son héros. Il fait mine de couper une corde avec un sabre, dans une envolée de danseur, à mille lieues de ses gestes de rigidité virile ordinaire. Les copines et copains qui l'entourent en rajoutent, genre acrobates métrosexuels.
Tout ce petit groupe est joyeux, il me  rappelle une soirée bien arrosée, pourtant ce n'est pas le même public, je t'assure. Et puis celui qui a payé le ticket de parking revient, et ils partent dans une allégresse gracieuse.
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Révolution des moeurs livre 1 Johnny Depp
Quand je pense aux nombreux philosophes qui se désespéraient de voir un jour disparaître cet abominable machisme latin.
Ce tabou inamovible que quarante ans de révolution sexuelle n'ont pas réussi à ébranler, Johnny Depp l'a pulvérisé en une heure et demie en campant un Pirate des Caraïbes plus féminin que jamais.
Le pouvoir de l'image...Ils devraient peut-être le faire en série télé. Histoire d'enfoncer le clou.