mardi 8 novembre 2011

MA PREMIERE FOIS

Qu'est-ce qui peut bien distinguer les blogueurs des vulgum pecus ne se donnant pas cette peine? Pour répondre à cette question je rencontre pour la première fois des blogueurs à Paris. 
Les débuts sont difficiles : Apercevant au dessus de ma tête une célèbre enseigne de grands magasins, Je donne rendez-vous à l'entrée, logique. Naïf que je suis d'oublier qu'un grand magasin parisien cumule de nombreuses entrées, qu'il organise toutes savamment pour faire croire que chacune est la principale. Moi et mon rencart tournons donc joyeusement pendant dix minutes. 
Au moins ai-je le plaisir de faire à mon interlocuteur de dos une divination en décrivant sa tenue. L'auteur de Deefblog arbore sur son visage un sourire désarmant surgi de l'enfance, peu avant de me présenter la barbe bien taillée de celui de Des fraises et de la tendresse. Nous baguenaudons à la découverte de quelques cafés, dans un itinéraire que nous partageons avec des centaines de parisiens à l'optimisme béat, vu qu'ils croient comme nous trouver une terrasse tranquille! 
Au passage j'admire le sens des affaires des tenanciers. Non seulement ils casent plus de clients à l'extérieur qu'à l'intérieur, mais ils font des économies de chaises et tables. Un petit coin de terrasse et sa table de bistro nous permettent finalement un petit tour du monde et de la littérature.  Ouf.
En reprenant mon rer, je vois sa population évoluer de station en station. Un vieil homme à la peau laiteuse et parsemée de tâches, cheveux blancs, grimpe à son tour. La poche de sa veste est renflée et le goulot vert dépasse. Le wagon est silencieux comme le sont les rames parisiennes, traits tirés et indifférence quotidienne. les provinciaux ont bien tort de saluer quelqu'un dans le ter, juste parce qu'ils le côtoient tous les jours. Les parisiens du rer eux, savent qu'il faut feindre ne reconnaître personne. 
On n'entend que le vieux qui tousse. Ou est-ce autre chose? On dirait qu'il pousse plutôt un cri de ménate. Une personne lui cède son strapontin, sans parole. Une fois assis il murmure des propos incompréhensibles. Puis ce sont des insultes, avec des mots que l'on n'a plus à utiliser depuis l'abolition de l'esclavage. De plus en plus fort, de plus en plus clairs. 
Un jeune commence à dire à voix haute qu'il ferme sa gueule, celui-là. Entre moi et le fond du wagon au loin, il n'y a que le vieux qui ait la peau claire. Pourtant je me sens plus proche de n'importe qui d'autre ici. Lorsque l'homme parle de vermine, le trentenaire qui partage ma banquette, dont la veste touche ma cuisse, crie qu'on va le faire taire. Je découvre à ce moment que le clochard a une ancienne trace de désinfectant rouge sur le crâne, que l'on devine à travers les cheveux blancs. Il continue de vociférer, tandis que les portes s'ouvrent sur La Courneuve. Des jeunes par groupe de cinq ou six l'entendent et crient du marchepied qu'ils vont le faire descendre et s'occuper de lui. Je voudrais intervenir, mais suis-je le mieux placé pour défendre cet individu au comportement insupportable? Mon voisin s'agite à nouveau, parle fort et fait mine de se lever. Je lui tiens le bras et lui dis qu'il ne s'agit que d'un poivrot, qui ne se rend pas compte des horreurs qu'il dit. S'il tend la main, il peut attraper le vieux. Je croise le regard de ma voisine d'en face, elle a un peu peur. Ma phrase est tombée dans un nouveau silence. 
C'est désormais moi que les jeunes à la porte regardent. Puis de l'autre coté de l'allée un homme d'une quarantaine d'année se lève et se penche. Il est grand et carré, style agent de sécurité. Il ordonne aux jeunes de lâcher la porte pour que le rer puisse repartir. Le train repart, l'insulteur se tait.
Je remercie Paris d'avoir prévu un peu d'animation exotique pour ma première fois, mais il ne fallait pas, vraiment.
 Ah, au fait, les blogueurs ont bien quelque chose en plus des gens habituels : un blog pour raconter des histoires de tous les jours.

12 commentaires:

  1. Aaah, les transports parisiens. Pour la population qui change, je te conseille la ligne qui relie l'étoile à Nation en passant par Barbes. Je la prenais parfois, quand j'étudiais puis travaillais par là-bas.

    Sinon, l'indifférence du RER n'est pas feinte, je crois. Les banlieusards, dont j'ai longtemps fait partie, se déplacent par automatisme.

    Je suis content de ne plus devoir changer de RER à Châtelet-les-Halles le matin à 8 heures...

    Je n'aurais jamais imaginé écrire ça il y a dix ans, mais... Vive la vie en Province. :)

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  2. Je plussoie. J'aime la vie parisienne à petite dose. Le regard des parisiens dans le rer me le rappelle toujours lorsque j'ai des velléités de ville plus animée.

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  3. J'aime bien la vie parisienne deux ou trois we par an !
    Pour voir autant de monde sur un trottoir,tu as du passer devant le "Rouge" !^^

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  4. Tu as touché quelqu'un dans le métro ??? (en lui attrapant le bras...)
    Pas étonnant que ta voisine d'en face ait eu peur : c'est un acte d'intimité, c'est interdit, même pour retenir quelqu'un.
    Quel courage ! Ou quelle inconscience...?

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  5. NIGLOO : On en a vu au moins quatre ou cinq, avec le même genre de foule sur le trottoir!
    ça me change de l'affluence tranquille des bars de mon coin.

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  6. LOUP : Voilà l'explication qui me manquait: j'ai montré une belle inconscience en ignorant les bases de l'ethnologie parisienne!
    C'est comme ça que certains explorateurs disparaissent sans laisser de trace...

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  7. Il y aurait de quoi écrire des romans fleuves sur les transports en commun parisiens... J'ai été ravi de cette petite soirée, c'est toujours agréable de se rencontrer IRL ;-)

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  8. L'avantage et l'inconvénient de Paris (et de toutes les grandes métropoles) c'est qu'elle rassemble un maximum d'individus en tous genres dans un minimum d'espace. C'est à la fois terrifiant (la promiscuité) et réjouissant (la diversité).
    Moi je penche plus pour le côté réjouissant mais je sens bien que je vais vite déchanter...

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  9. EK91 : Si je me sens en général en sécurité dans le rer, c'est que le coté diversité est bien plus important à Paris. Ce soir-là, j'ai eu plus peur pour ce vieux con que pour moi. Il est vrai que par contre sortir du rer à La Courneuve ou aux Ulis à certaines heures présenterait quelques risques...C'est aussi valable à Lyon ou à Marseille.
    Tu vas adorer les sorties, la facilité de contact, etc...

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  10. Ravi de t'avoir rencontré :)

    Quant à moi, je m'accorde le luxe d'éviter le RER. Et la banlieue. Au grand dam de mes amis banlieusards qui me croient snobinard.

    A la lecture de ton billet, je comprends pourquoi tu as ensuite loué une voiture :)

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  11. DEEF : C'est amusant de rencontrer ceux qu'on lit, et ensuite d'ajuster l'impression physique à l'image virtuelle qu'on se faisait. Pour moi c'est encore nouveau. Une agréable rencontre.

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  12. LAURENT : Oui, un moment sympathique qui m'a permis de te connaitre.
    Avoir une voiture de location le lendemain nous a fait des vacances, en effet. Et retrouver notre campagne encore davantage!

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