vendredi 25 novembre 2011

N'AI-JE DONC RIEN APPRIS?

Pas plus que l'homosexualité, je n'ai choisi mon tempérament.  
Je supporte difficilement les contraintes, mêmes celles que je tente de m'imposer : J'ai eu des problèmes dès que j'ai commencé à travailler. J'avais décroché un job d'ingénieur commercial à Paris. L'idée était bonne, car le commercial est un poste assez autonome. 
Hélas l'entreprise qui m'avait embauché considérait que former ses employés à ses méthodes américaines et ses produits asiatiques était indispensable. Je fus donc convoqué pour suivre une formation les huit premiers jours. Le premier, tout se passa bien. Pour l'entreprise. Un cadre fort ennuyeux nous raconta dès neuf heures tapantes les arcanes de la vente à l'américaine du Middle West. Il suivait son fil et ne supportait pas les interruptions, ni les bavardages. Sa journée minutée et son enthousiasme forcé faillirent me provoquer une polyarthrite juvénile fulgurante à force de bâillements sans limites. 
Le lendemain matin pour aller au boulot j'empruntai le périph, mais me trompai de direction. Pour faire demi-tour je pris la première sortie, mais me retrouvai sur une autoroute en direction de Marne-la-Vallée. A nouveau je sortis mais il n'y avait pas de rond-point avant la rase-campagne. Je finis par m'arrêter pour un besoin personnel et retourner enfin sur mes traces. Avec les bouchons et mon inattention j'arrivai avec plusieurs heures de retard. On ne me croira pas, mais en sept matinées je visitai contre mon gré toute la banlieue de Paris. Et même le vingtième arrondissement. Le "je me suis encore perdu" quotidien me valut un avertissement. 
Par la suite, je ratais presque toujours le débriefing hebdomadaire obligatoire. En trois ans ils ne voulurent jamais croire que je ne le faisais pas exprès.
hebergeur image
N'ai-je donc rien appris domaine public
Pourtant je me perdais, tombais malade, n'entendais pas le réveil, me trompais de bâtiment, de jour, fixai par erreur un rendez-vous à un gros client à la même heure, avais un accident de voiture, absolument involontairement. Ils durent me dispenser officiellement de la réunion du lundi matin pour que j'arrive enfin à obéir. 
Je ne supporte pas les obligations, c'en est une maladie. Au service militaire je me suis évanoui (endormi?) deux fois lors des présentations imposées au drapeau, j'en ai été dispensé pour raisons médicales. Encore aujourd'hui je regrette qu'un coup de fil au dernier moment ne puisse organiser tous mes rendez-vous, tant je ne suis pas sûr que mon inconscient m'autorisera une contrainte, surtout répétitive. Je dois ruser.
J'ai dû arrêter la course à cause d'une entorse et je me suis mis à la piscine. Inutile de tenter un club ou prendre des cours à heures fixes, je ne m'y tiendrais pas. Je ne prévois jamais d'avance l'heure de mes séances, j'improvise trois fois par semaine en fonction des horaires d'ouverture. Surtout pas toujours le même. A ce prix je parviens à une certaine régularité. 
J'ai changé quinze fois d'entreprise, et enfin à mon compte je suis soulagé : aucun supérieur ne tente désormais de me mettre au pas. Le seul avantage de ma malédiction est que sur le plan sentimental, je crois que mon chéri trouve son compte dans mon coté parfois inattendu : l'amour est enfant de bohème. Je n'ai rien souhaité de ce fonctionnement, mais à force je me discipline. Dans le couple, je suis chargé des repas, et je suis fier d'avoir réussi à  me soumettre à une saine ponctualité, nous dînons tous les soirs! L'heure varie de dix-neuf heures à vingt heures trente, mais c'est mon maximum. Sauf quand j'oublie et que je découvre Gabriel soupirant et affamé aux fourneaux. 
Je ne crois pas que l'on change en fait, je crois qu'en mûrissant on apprend à s'adapter à nos limites. 
Et c'est déjà pas mal.

10 commentaires:

  1. Je suis d'accord. Je pense que l'on s'apprivoise plus que l'on ne change. Sinon, c'est beau le XXeme, hein?

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  2. Pourtant il y a énormément de contraintes à être à son compte [enfin, je trouve qu'elles sont encore plus oppressantes que celles qu'on t'impose quand tu es salarié]. Souffrirais tu d'un "refus de l'autorité" ?

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  3. DITOM : Pourquoi, le 20ème c'est le quartier où tu accomplis tes forfaits?
    Meilleure définition de ta part, s'apprivoiser est plus élégant que s'adapter à ses limites. Qui sait s'il n'y a pas un mignon renard en nous.

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  4. EK91 : Être à son compte est particulier. Quelques nuits d'insomnies par mois, l'impression de travailler pour payer tout le monde, les concessions sont raisonnables.
    Pourtant je m'adapte bien à l'autorité, pourvu qu'elle ne m'impose rien, et surtout pas un tas de rendez-vous impératifs. C'est ce que mes supérieurs n'arrivaient jamais à comprendre.

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  5. J'ai pouffé de rire dès le début: tu es comme ma femme (oui je suis toujours marié, pourquoi enrichir des avocats et des notaires!!^^)
    Elle peut passer mille fois au même rond-point sans jamais prendre la même sortie tout en allant toujours au même endroit!
    En jardinage, elle peut planter des bulbes et les retourner la semaine d'après...j'arrête!^^
    Finalement, tu vis sans soucis...

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  6. NIGLOO :
    Plus de soucis de routine, c'est vrai!
    Restent les impôts, les revenus, la crise et le gouvernement qui se chargent astucieusement de nous fournir des sujets de réflexion.

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  7. On est nombreux dans ton cas en fait, j'ai l'impression. Et puis, à quoi sert-il de vouloir se brimer en tout ? Le naturel finit toujours par ressortir...

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  8. DEEF: Nous voilà un point commun.
    Je crois qu'en effet atteindre au plus vite nos limites permet d'investir son énergie pour ce qui compte vraiment.

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  9. L'homme libre, qui ne marche au pas, qui n’ânonne pas ce qu'on lui dit, cet homme la fait peur. Il est dangereux pour la Société : car il pense différemment !

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  10. TAMBOUR MAJOR : Je ne prétendrai pas être un homme libre.
    Mais j'ai parfois été surpris que mon attitude exaspère certains au plus haut point, alors qu'ils n'étaient en rien concernés.

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