jeudi 11 novembre 2010

TRISTE NOUVELLE

Où suis-je? il fait noir, ici.
Bonjour Flavien. Qui je suis? Tu me connais, voyons, je suis ton... arrière grand oncle Flavien, Flavien.
Oui, je sais, nous portons le même prénom et le même nom.
Il faut que tu me rendes service, mon petit. Je viens de partir, et je n'ai pas pu dire au revoir à Marguerite. Tu dois aller la voir, elle s'inquiète. Nous sommes le dix novembre, et elle n'a pas eu de nouvelles de moi depuis plus d'un mois. C'est horrible, la guerre, j'espère que tu ne la feras jamais.
Comment nous sommes le onze, le jour de l'armistice? Ils ont enfin arrêté cette connerie? Trop tard pour moi, mon petit.
Mais vite, s'il te plaît, cours, je la vois se réjouir, elle saute de joie, elle croit que la guerre est finie, que je vais rentrer, dis lui que je vais bien, que je pense à elle. Mais rentrer, je ne crois pas.
J'ai pris une balle, tu sais, hier.
C'est bête, la veille de l'armistice, c'est idiot, et elle ne le sait pas.
Je t'en supplie, Flavien mon petit, elle est blanche comme l'ivoire, ils viennent de lui dire, fonce, crie lui que ça va, je n'ai pas eu mal, je l'aime.
Ils m'ont pas loupé, les boches, j'ai rien senti, je n'ai pas eu vingt ans, je ne les aurai plus, et le souffle d'un esprit, je suis arrivé à toi.

1910
Dépêche-toi, elle va épouser ce brave gars, mais c'est moi qui suis dans son cœur.
Dis-lui que je l'aime, que je reste près d'elle, qu'elle doit vivre et être heureuse.
Dis-lui,...Comment, tu ne peux pas? En...2010??? Non, en 18! 2010??? Mais alors! Je dois partttttttt...
Je me réveille les joues humides, trop chaud sous les couvertures sans doute. Dans les brumes entre sommeil et conscience, je repense à ce monument, dans l'est de la France, avec mon prénom et mon nom. Ceux d'un frère de mon aïeul.
Flavien, écrit le 11 novembre 2010

12 commentaires:

  1. hé ben... faut pas lire ça quand on n'a pas trop le moral...
    j'ai envie de pleurer !
    je suppose que c'est un compliment : tu fais passer de l'émotion dans ce texte. bravo.

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  2. ANTOINE : Désolé, ce n'était pas le but.
    Quoique je me sois réveillé les joues humides ce matin...
    Bises

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  3. Et je viens d'écrire un post un peu similaire sur mon blog.

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  4. GOULI : oui, j'ai vu. Heureusement je ne m'appelle pas Léon! J'aurais vraiment cru être une réincarnation de 14-18.

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  5. Ta plume porte les voeux des milliers d'innocents qui, emportés par la folie humaine, n'ont pu enlacer une dernière fois leur compagne (et peut être compagnon) le temps d'un dernier adieu. Une histoire hélas encore ordinaire, destin funeste des victimes des guerres qui aujourd'hui encore ensanglantent la terre des hommes.

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  6. Ben quand même, depuis le temps, le grand oncle, il aurait dû avoir retrouvé la Marguerite au paradis, non ?
    Ok, je sors ;-)

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  7. génial ce texte ! Et très émouvant. Merci beaucoup, franchement !

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  8. oulala, c'est vraiment très émouvant!!!

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  9. TAMBOUR MAJOR : Je suis étonné que les petites haines ordinaires entre collègues, voisins ou au sein des familles ne provoquent pas plus de mini guerres. L'identité des groupes humains renferme un secret de folie.

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  10. FABISOUNOURS : Merci!
    NIGLOO : Il y a des histoire de ce genre dans toutes les guerres, hélas.

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  11. J'aime beaucoup ce récit à la fois plein de mélancolie et plein d'espoir (faire la guerre pour, peut-être, avoir une chance que nos enfants ne la fassent jamais).

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