mardi 14 décembre 2010

HOMO INTERNETUS

Internet a pris une place unique dans nos vies, et elle augmente encore, ce qui soulève des questions. Je me demande en quoi l'usage d'internet change nos comportements?
Sur Internet on consulte, et on interagit, dans des relations professionnelles ou privées. Consulter n'est pas très impliquant, à ceci près qu'il faut trier des masses d'informations incertaines. Tout ce que dit internet n'est pas vrai, bien moins que dans les livres ou journaux papiers. Même wiki est porteur d'informations erronées, ou biaisées.
Les journalistes font leur travail, se professionnalisent et à la longue redeviendront la référence, car une information plus ou moins vérifiée est la seule base possible. As-tu remarqué que les journaux gratuits n'offrent que des infos courtes, style agence de presse, pas d'analyse, pas de recherche? Alors sur internet, il en est de même. Il faudra bien payer pour une info sûre.
En revanche les moteurs de recherche sont sous influence, les opérateurs remettent en cause la neutralité du web, pour des raisons de rentabilité. Je ne serais pas trop surpris de voir apparaître des sites plus ou moins payants aussi, qui sélectionnent les infos pertinentes de façon fiable, mais pour l'instant, puisqu'on ne veut pas payer, fouiller et trier soi-même est indispensable. Internet développe notre capacité à trouver notre chemin dans une jungle épaisse et parfois hostile.
Rousseau la forêt vierge domaine public (pour illustrer la jungle d'internet)
Rousseau La forêt vierge domaine public
L'interaction est la grande affaire depuis quelques années. Lorsqu'un programme politique est mis en ligne, les internautes sont sollicités pour donner leur avis. Mais si l'on gratte un peu, l'exercice du pouvoir reste solitaire, participer, ça anime, mais ne sert pas à grand chose. Les entreprises commerciales, c'est pareil. On suscite des milliers d'articles pour une pseudo révolution avec un nouveau produit, qui sera lui aussi obsolète dans deux ans. Des intoxiqueurs sont payés pour polluer les débats, forums et autres blogs, mentir effrontément et influencer l'internaute. Le produit, une fois déballé, n'est qu'un banal assemblage à peine innovant dont nous nous lasserons en quelques mois. Le marketing est toujours le seul à décider de ce que nous achèterons.
Dans les présentations plus personnelles une chose me frappe : On ne voit généralement pas la tête des intervenants, par contre on sait de plus en plus où ils sont. Cette habitude a des effets pervers: Alors qu'il est proche de moi, pourquoi ce soi-disant ami ne passe t-il pas me rencontrer? L'effet peut-être bien plus dramatique en entreprise : qu'est ce que vous faisiez dans ce quartier, je ne vous paye pas pour faire du shopping. Ou, plus grave : que fait le négociateur de mon concurrent à Lille, il ne serait pas en train de démarcher mon client?
Les réseaux sociaux, en exposant des renseignements qui restent habituellement privés, ont aussi leurs effets inattendus : rejets de candidatures, licenciements de salariés indélicats. Les parents débrouillards aiment également beaucoup suivre ce que fait leur progéniture. J'en sais quelque chose, une personne m'a demandé d'espionner son fils, et ne comprenait pas le refus, puisque c'est presque public! Heureusement il y a les apartés en bas à droite.
Sur Internet, on tombe souvent sur une info de 2007, 2004, ou même 1999. Ça me fait la même impression que de ressortir les anciennes duplications à alcool qui m'avaient permis de faire savoir à tout le collège que j'avais organisé une soirée. Complètement décalé! Une annonce immobilière que j'ai passé il y a trois ans, et la reproduction d'une peinture que j'ai fait il y a plus de cinq ans figurent contre mon gré sur internet, c'est agaçant.
Dans le même genre, il y a aussi tout ce que l'on met sous l'impulsion du moment. On manque de temps, on poste des réactions spontanées, des humeurs, des commentaires qui n'ont rien de pensées éternelles, voire sont gravement maladroits. Dès le lendemain,on l'a oublié, mais cette saleté d'internet nous le renvoie à la figure.
De tout cela, je déduis que l'on doit apprendre de nouveaux comportements :
A chaque fois qu'on met une œuvre ou une opinion impérissables sur la toile, il peut être intéressant de rester maître de sa suppression, ce que beaucoup de sites ou de blogs ne permettent pas. Même si l'on peut effacer, mieux vaut prévoir ce qui se passera si des enregistrements ressurgissent. Il vaudrait aussi mieux s'habituer à la banalisation du mot ami, dommage.
La géolocalisation demande réflexion.
Et particulièrement pour moi qui suis impulsif, je devrais retarder mes publications, me forcer à me relire pour éviter que mes mots ou images ne dépassent de très loin ma pensée, sans parler de l'orthographe.
Ce qui est marrant, pour les vieillards qui ont connu la vie d'avant, c'est que ceux qui sont nés avec internet ne sont pas plus conscients de ces questions. Et des conséquences de leurs actions sur la toile.
Que penses-tu de tout ça?

8 commentaires:

  1. C'est le prix à payer.

    Un solitaire sur le toile

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  2. à cette heure là, je ne pense plus grand chose!!!;-))Tu dois avoir fait le tour complet de la question...Comme dans pas mal de domaines, je ne vais retenir que le positif, en quelques minutes , loin de chez nous, pendant que mon copain cherchait une information qui nous manquait, j'ai pu moi faire un tour rapide chez des "amis"....!;-)

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  3. Hé ben, ton billet est très inspirant et pose vraiment beaucoup de questions qui mériteraient chacune des développements interminables.

    J'en retiendrai un, qui m'intéresse beaucoup : celui de la mémoire du net.

    "Verba volent, scripta manent" dit un adage latin (les paroles s'envolent, les écrits restent). Ce qui était vrai hier l'est encore plus aujourd'hui car le net ne connaît pas cette faculté magnifique de la mémoire : celle de l'oubli !
    Vrai, faux, ragots dégoûtants, événement périmé, écrit douteux, photo ingrate, toutes les informations de toutes les époques se côtoient pèle mêle sans distinction de sorte qu'il est bien souvent difficile de s'y retrouver.
    Si mourir c'est tomber dans l'oubli, alors par l'Internet l'homme accède sans le savoir à une certaine forme d'immortalité. Une immortalité néfaste : l'homme n'est pas fait pour d'endosser le poids d'une éternité qui le dépasse.

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  4. ANONYME : Le prix du progrès!

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  5. NIGLOO : Et oui, c'est aussi la vitesse et la proximité, internet! disponible partout tout le temps, les messages, commentaires et billets sont toujours à ta disposition. Même si tu étais bloqué par la neige ou les inondations, tu aurais accès à la terre entière. A condition d'avoir encore l'électricité et les télécoms bien sûr.

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  6. TAMBOUR MAJOR : Comme souvent, tu écris de bien belles choses. Internet pose donc la question de la permanence et de l'immortalité. Certains ne s'y sont pas trompés, puisqu'ils ont ouvert des mémoriaux virtuels pour leurs animaux de compagnie ou leurs chers disparus. Mais tout passe, il faudra bien qu'internet aussi apprenne à garder ce qui nous importe et effacer ce qui nous importune.

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  7. Faut voir ça avec Météo France, je suis certain que c'est à cause d'eux si on ne peut pas effacer les choses compromettantes du Net.
    Ok, je suis déjà sorti^^

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  8. DEEF : J'ai peur que tes immersions au pays de l'hiver n'ait altéré ton jugement. Enfin, c'est ce qu'on penserait si l'on n'avait entendu Hortefroid te donner raison!

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