vendredi 15 octobre 2010

LE CRI DU LIVRE

Je ressens une véritable angoisse en ce moment : J'ai réalisé, à divers signes, que les livres sont en voie de raréfaction.
Bien sûr je supputais, ainsi que tout un chacun, l'imminence de la catastrophe. L'on allait un jour regarder un écran pour plonger dans l'univers d'un écrivain. Je suis même étonné que ça ait été si long. Mais c'est une chose de comprendre intellectuellement, et une autre de laisser mon instinctive comprenette en découvrir la réalité physique.
Ne plus sentir l'odeur de l'imprimerie, ne plus caresser la tranche, sentir le poids des mots dans ma main amoureuse lorsque j'ai fait mon choix! Depuis que j'ai quatre ans je lis quotidiennement. Mon père m'avait donné avant l'école le moyen de lui échapper à vie. L'objet de papier est devenu aussitôt mon compagnon imaginaire. Rien n'a jamais changé : mon Gabriel te dirait à quel point je suis diplomate, sauf quand on m'empêche de lire. Les livres ont été si souvent ma seule consolation, l'unique lien me retenant de sombrer, que je suis attaché à eux collectivement par le cœur.
Je sais que ce qui compte c'est le fond, peu importe la forme. Sur tablette d'argile, parchemin ou papyrus, papier ou lcd, la pensée du génie reste du génie.
Mais va dire cela à mon corps qui s'est accroché à des ouvrages trop grands pour lui, qui a serré avec émotion de petits poches, va convaincre la peau de mes mains qui ont tourné avec tendresse ces millions de pages! Mon inconscient est comme le nouveau-né qui se suspend au sein, il reconnait ce qui l'a nourri et dont sa vie dépend.

ND-de-Paris
ND de paris
Je m'adapterai, parce qu'il est des renonciations plus fondamentales, parce que je ne veux pas être puéril, parce que ça se fait, parce que le progrès n'attend pas, parce que la vie se vit, elle n'est pas dans les livres.
Quoique.
Je les ai vécus, ces rires qui illuminaient le papier, ces larmes qui déformaient les feuilles. Personne ne me les partageait à ce moment, il m'a fallu attendre d'être adulte pour les mêler à un être vivant, avant c'était avec la pâte de bois ou de chiffon, et la colle.

livre par David Monniaux licence cc
livre par David Monniaux licence cc
Je ne suis pas Cosette, mais c'est son nom écrit à l'encre qui a fraternisé avec ma petite souffrance. Je ne suis pas Croc-blanc, mais c'est le dessin d'artiste de la couverture qui l'a matérialisé dans mes nuits sans sommeil d'enfant. Que ferai-je d'un écran qui s'efface, d'un tas d'électrons à la merci d'une variation électromagnétique? Où retrouverai-je le trèfle oublié dans mon espoir adolescent?
Oui, je l'avoue, je suis fétichiste. Sans honte je vais devenir collectionneur de livres anciens, puis qu'ils le seront tous, de leur naissance post-Gutenberg à leur mort au début du troisième millénaire. Au moins, dans la bibliothèque, je pourrai baigner dans ma douce nostalgie, pour toujours puiser des forces au sein de la mer de papier relié. Et oublier le cri du livre qu'on assassine.
Permets moi encore une petite photo, comme une méthadone à un accro:

bibliothèque
Bibliothèque
Et à présent, pendant que je sens la flamme vacillante de mon courage, dis moi vite quel machin électronique je devrai adopter pour garder le contact avec mes écrivains chéris d'aujourd'hui et de demain.

20 commentaires:

  1. Je ne suis pas sûre que le livre papier disparaîtra totalement, enfin je l'espère en tout cas. Il y aura toujours des amoureux qui préféreront lire un livre physique et non virtuel. Et puis, se priver du plaisir du choix (que ce soit dans une bibliothèque ou une librairie), du coup de coeur, est tout bonnement impensable. Cela deviendrait un bien de consommation comme un autre (c'est l'ex-libraire qui parle !). Pourtant, je ne suis pas la dernière à suivre le progrès mais il reste des choses immuables, impossibles à transcrire au travers d'un écran, tels que ceux que tu as si justement décrit (l'odeur du papier, de l'encre). Alors, moi ça me frustrerait certainement. Tiens, comme en parallèle, j'ai terminé Farenheit 451 il y a peu : je n'ose imaginer ce monde. Et puis, honnêtement, l'imagination est plus galopante quand on a le livre entre les mains non ? (Croc Blanc et ce sentiment de liberté, les odeurs du bayou dans Entretien avec un vampire : j'en passe).

    PS : j'ai apprécié ta trouvaille sur celui qui pestait contre les manifs (jusqu'où peut se nicher la mauvaise foi ?)

    RépondreSupprimer
  2. Comme toi, j'adore lire, et jamais je ne renoncerait à la version papier... Je suis assez perplexe face aux livres virtuels. C'est tellement plus agréable de tourner les pages, de lire à la lumière de sa lampe de chevet le soir, avant de plonger dans les bras de Morphée...

    Oui, longue vie aux livres bien réels!

    Bises

    RépondreSupprimer
  3. MA VIE INTREPIDE : J'ai bien peur que les librairies soient les premières victimes du changement. Je peux y flâner des heures, pour le modeste prix d'un livre. Mais on va en profiter jusqu'au bout, on se permettra des coups de coeur jusqu'à la dernière.

    RépondreSupprimer
  4. KINDGAY : Refermer le livre avec regrets sur le marque-page parce que Morphée est là : Je vis ça tous les soirs, je n'y renoncerai pas non plus facilement. Bises

    RépondreSupprimer
  5. Je suis sûr que le livre ne disparaîtra pas. Le doigt a une relation sensuelle et affective avec le papier. Cette relation n'est pas possible à établir avec un écran. D'ailleurs, le succès des livres électroniques reste confidentiel... Mon baromètre c'est le métro. Et dans le métro, je ne crois pas avoir déjà vu quelqu'un lisant un roman sur un kindle ou un iPad.
    Longue vie au livre en papier.

    RépondreSupprimer
  6. DITOM : J'envie ton optimisme! (une fois n'est pas coutume,lol) Les grandes manoeuvres ont commencé dans l'édition, les auteurs populaires comme marc Lévy soustraient leurs éditions électroniques des contrats de leurs éditeurs, les américains voient le pourcentage de parutions virtuelles devenir significatif, les nouveaux écrans hypercontrastés lisibles en plein soleil vont sortir. Mais il est vrai que je n'ai pas ton expertise du métro pour me remonter le moral.Néanmoins Longue vie au livre papier!

    RépondreSupprimer
  7. Jonathan D.17/10/2010 20:29

    Il y a toujours des vinyls pour ceux qui aiment le son qu'il produit, je parie que dans quelques décennies, on trouvera encore bien des livres. Je l'espère en tout cas.

    RépondreSupprimer
  8. JONATHAN D.: On trouvera encore bien des livres, chez moi en tout cas. Mais il n'y aura peut-être plus que les éditions de luxe à mériter nouvelle publication sur papier.

    RépondreSupprimer
  9. Je n'ai pas l'impression que les amoureux des livres soient prêts à renoncer au support papier.
    Le seul avantage de l'écran,est,pour les vacances,la possibilité d'emporter plusieurs livres sous un faible volume et un faible poids.

    RépondreSupprimer
  10. NACHU : Ne renonçons pas! C'est vrai que pour les vols low cost, le poids de l'électronique pourrait être un avantage.

    RépondreSupprimer
  11. Et bien heureuse de mon retour chez toi ! J'aime toujours venir ici tu le sais et merci à toi d'être si fidèle... Depuis quelques semaines j'avais pris un peu de recul, ça m'a fait du bien, le plus grand !
    Je repars mieux armé et je laisse derrière moi les grosses déceptions...
    Un 20/20 pour ton essai poésie sur l'automne, tout ce que j'aime, tu as vraiment une belle plume, mais ça on te l'à déjà dit :)
    Bon revenons à nos moutons !
    Je suis heureusement surprise de l'angouement que suscite les livres dans ma petite ville au bord de l'eau. J'ai trois librairie comme Cadet Roussel :) Deux "indépendantes" enfin je crois bien et une autre, plus grande genre mini-fnac ! j'y passe chaque semaine et j'achètes chez toutes !
    Toujours du monde, tous les âges, et toujours la queue à la caisse !
    Les gens se baladent et partent toujours avec un livre, ça fait grand plaisir...
    Le livre est un objet intime et moi aussi j'aime son contact et surtout son odeur ! Je respire toujours un livre que je viens de me procurer :)
    Comme avec un parfum, le livre même avant de le déguster, offre des milliers de sensations !
    Je me souviens lorsque j'étais plus jeune, je passais d'abord à la bibliothèque, mais les livres auxquels je tenais, j'allais vite les acheter par la suite !
    C'est comme ça que j'ai découvert Modiano, Le clézio, Tournier, Déon, D'ormesson et plein d'autres !
    Une envie de les avoir près de moi... Un livre papier s'emmène partout, dans le sac, et jusque dans son lit !
    Mes 20 premières années à Paris m'ont fait beaucoup lire dans le métro, j'ai toujours eu de longs trajets pour aller au travail !
    J'ai essayé sur le net de relire des classiques qui sont tombés dans le domaine public, mais bon au bout de 5 minutes, j'arrête, et je reprends ma version papier !
    Et pourtant je lis des blogs , beaucoup !
    Pas de machin électronique, nos yeux et nos mains sont là bien vivants !
    Bonne nuit à tous, je continuerai mes lectures bloguesques demain matin, là trop fatiguée !
    Bisous !

    RépondreSupprimer
  12. Tant qu'il restera des gens comme toi, comme nous, pour en lire, en acheter, en offrir, les faire aimer, le livre papier survivra.

    Un détail m'a esquissé un sourire béat dans ton billet. Cela se passe juste après Rien n'a jamais changé...
    Deux mots, innocents en apparence mais que j'ai trouvé profondément attendrissants.

    RépondreSupprimer
  13. VIRGINIE : c'est drôle ce que tu dis, car justement une chaîne de librairie mini-fnac porte le nom de son site internet, comme s'ils anticipaient le transfert de l'activité sur .com... En effet on ne se voit pas aller en librairie télécharger le prochain auteur à la mode.
    C'est un vrai plaisir pour moi d'abandonner l'ordi pour me mettre sur un bon bouquin, bien que je lise pas mal de blogs aussi. C'est reposant pour les yeux, contrairement aux écrans lcd.

    RépondreSupprimer
  14. TAMBOUR MAJOR : ça a dû m'échapper, je ne vois pas. Ou bien c'est dans le possessif?
    Quoiqu'il en soit, nous résisterons, au moins un certain temps. Mauvais signe: mes neveux et nièces ont demandé que l'on ne s'offre plus systématiquement des livres à Noël, dans ma famille! génération perdue...

    RépondreSupprimer
  15. @ Flavien : oui, il s'agit bien du possessif et de la façon que tu as d'appeler ton homme par son prénom, et non pas par quelque autre périphrase cucul. Peut être que j'interprète beaucoup, mais j'ai trouvé très touchant.

    RépondreSupprimer
  16. TAMBOUR MAJOR : J'espérais bien.

    RépondreSupprimer
  17. Oulala, j'avoue ne pas en avoir beaucoup lus depuis Croc Blanc ....A mon avis, le jour où je prendrai le temps de lire arrivera, il n'est jamais trop tard!;-)

    RépondreSupprimer
  18. NIGLOO : Si les livres n'avaient pas représenté une béquille affective pour moi, peut-être serais-je comme toi... Il y a d'autres plaisirs dans la vie!

    RépondreSupprimer
  19. Bon, moi qui adore lire, et les livres "traditionnels", j'ai testé pour vous l'électronique sur iPad. Ben... depuis, je rêve d'un iPad pour noyel, pour emporter plein de livres dans un format réduit, sans encombrement, partout où je vais : en vacances, se trimbaler 3 ou 4 romans, c'est lourd. Tout dans un iPad, c'est fabuleux. En plus tu as vraiment l'impression de lire un livre "réel", les pages se tournent tout pareil. Bluffant.

    RépondreSupprimer
  20. DEEF : C'est ce que je craignais. Merci à toi.

    RépondreSupprimer

si tu veux commenter, tu peux cliquer sur nom/url et taper simplement ton prénom ou un pseudo