Lorsque j'ai su ce qu'étaient mes attirances, j'ai déclenché un conflit extrêmement violent dans mes convictions. Le conflit que doivent sans doute vivre tous les très jeunes catholiques convaincus qui se découvrent homosexuels.
J'avais suivi en effet un cursus des plus traditionalistes : catéchisme, enfant de chœur, communions, retraites, collège jésuite. J'ai même vécu des expériences mystiques propres à ancrer solidement la croyance religieuse chez un enfant. Aucun doute n'existait dans mon esprit, ma croyance était parfaitement cohérente, Jésus me montrait la voie.
On peut donc imaginer ma confusion lorsque je me vis lorgner sur le torse avantageux de mes congénères du même genre. Vade Retro Satanas devint mon credo quotidien. Fallait-il me flageller à l'aide de cordes à nœuds ou porter contre ma peau un cilice pour me rappeler sans cesse à la vraie foi? Si j'en avais été persuadé, je l'aurais fait sans états d'âme.
Pourtant les jésuites, hormis une foi inébranlable, m'avaient doté d'un esprit logique. A la recherche de certitude, je me basai sur les deux évidences que je vivais douloureusement. Je mis très longtemps à reconnaître la première, mais elle était incontestable.
D'une part ma nature était naturelle, aussi ancienne que ma mémoire, et je ne l'avais pas choisie, mais combattue avec véhémence.
D'autre part, Jésus était mon guide, et Il ne saurait faillir.
Itinéraire catholique : baptême d'un enfant à l'orientation sexuelle inconnue (Domaine public)
Je savais depuis longtemps que les hommes, fussent-il prêtres, évêques ou même pape, avaient leurs limites. Je l'avais admis tranquillement sans que cela n'ébranle vraiment mon écoute attentive de leurs dogmes. On m'affirmait que l'on était dans un péché grave lorsqu'on pratiquait l'homosexualité et je le crus un moment.
Mais comment accepter que le même acte était une abomination lorsqu’on était naturellement homosexuel, alors qu'il était béni de Dieu lorsqu'on était naturellement hétérosexuel?
Certes des épreuves pouvaient nous être infligées, qui testaient notre foi. Cela aurait été vrai si j'avais eu des pulsions sadiques ou meurtrières. Mais ce raisonnement ne résistait pas à l'analyse dans le cas de l'homosexualité.
Je me replongeai dans ce qui n'avait jamais été pris en faute, l’Évangile, pour établir ma conviction. J'y retrouvai la paix, car les Évangiles n'hésitaient pas à contredire les décrets de l’Église, comme ceux de la Bible. Jésus défendait la prostituée, et rejetait les marchands du temple. Plutôt qu'un sanglant œil-pour-œil, il tendait l'autre joue, ou bien cherchait à comprendre (lors du procès par exemple). Il se démarquait nettement d'un grand nombre de principes de l'ancien testament, et rendait donc caduque toute référence au Lévitique comme à d'autres passages du Livre ancestral. Mais surtout je n'y trouvai rien qui condamnât l'homosexualité. Jésus était entouré d'hommes et de peu de femmes, ce qui aurait pu donner l'occasion à des mises au point sur le sujet. Mais il n'y en avait aucune. On pouvait mettre au crédit de l'histoire tumultueuse de l’Église catholique de n'avoir pas réécrit les Évangiles pour les plier aux diktats officiels. Il y avait même une tendresse particulière de Jésus envers un disciple, qui était un hymne à l'amitié et l'indulgence envers un homme sensible. Les Évangiles parlaient d'amour et non d'anathème, sauf à la rigueur contre les riches ou puissants qui abusent de leurs pouvoirs.
A force de relire en solitaire ces pages, l'idée d'un Jésus généreux, fort et tolérant, s'imposa. Je relevai aussi à nouveau combien le comportement de certaines personnes de la hiérarchie catholique était peu chrétien, et contradictoire. Comment des pêcheurs invétérés pouvaient-ils être crédibles en condamnant ma nature?
Je pris de la distance avec ma pratique catholique et ne fréquentai plus les églises qu'en solitaire, pour un contact sans intermédiaire. Par la suite je compris que le message de Jésus imprégnait aussi d'autres religions du monde, et que même certains athées par leurs comportements démontraient sans le savoir Sa Parole.
Les gays avaient en conséquence le même droit de vivre leur vie ou leurs amours terrestres que les autres, et les mêmes devoirs de vie chrétienne. Les contraindre à la marginalité était contraire à l'esprit des évangiles. Si quelques-uns dans la hiérarchie catholique s'opposaient à cela, on ne pouvait que prier pour qu'ils sortent de leur erreur.
Cette période de questionnements et de réflexion se conclut lorsque je participai à ma première manifestation en faveur de l'égalité des droits des homosexuels, qui fut aussi l'une des premières tout court en France. J'avais dix-neuf ans et je pus également me donner entièrement à ma première complète relation avec un adulte du même genre que moi.
mais c'est un retour par la grande porte et non pas par les bas côtés!!:)
RépondreSupprimerJe me retrouve en bien des points dans ton billets : la force d'une foi rendue inébranlable par une solide éducation chrétienne, la découverte de soi et toute la difficulté de concilier foi et raison, la prise de distance, la relecture du Dogme à la lumière de sa propre expérience dans un esprit de tolérance, celui-là même que l'on nous oppose et par lequel on nous exclue (savant paradoxe !).
RépondreSupprimerQuel bordel dans nos têtes...
Mais ce n'est pas Jésus qui a créé l'Eglise, ce sont les hommes. Et il n'y a donc aucune raison de l'écouter. Ne vous inquiétez de rien !
RépondreSupprimerJean-Jacques
Tu me diras que moi je porte en permanence autour du coup une médaille de la Vierge, cadeau de ma première communion ^_^.
RépondreSupprimerBizarrement, malgré mes penchant, j'ai continuer encore un an à être enfant de chœur et par la suite à fréquenter les églises pour les rites traditionnels comme Noël ou Pacques.
A l'heure actuelle, je n'y vais plus et si on me pose la question, je me dis non croyant mais ca c'est dut à mon histoire personnelle :)