jeudi 1 juillet 2010

TOI L'ENFANT

Quand j'avais cinq ans , je voulais que tu arrives, toi l'enfant qui ferait de moi un grand. Pour n'être plus le petit, celui dont personne ne semble se rendre compte qu'il a tellement grandi. Il fallait avouer que l'écart avec le reste de la famille ne paraissait jamais se réduire, malgré mes efforts pour les rattraper, tous. Comme je me voulais extrêmement réaliste, je planifiai que tu viendrais dès je serais grand, à défaut de m'épauler à ce moment.
Je savais bien que seules les femmes deviennent mères. Lorsque j'eus sept ans je compris que j'aurais à me marier avant que tu ne naisses, puisque l'ordre devrait être respecté. J'étais bien plus intéressé par les garçons que par les filles qui me tournaient autour, mais cela ne remettait rien en cause. J'épouserais une mère, et je vivrais avec un garçon, comme le gentil avec lequel je jouais dans la cour de l'école. N'importe laquelle de ces filles un peu superficielles conviendrait parfaitement, et j'en laissai approcher une, pour le cas où ce serait utile. Mes parents virent cela d'un très bon œil, et elle fût invitée avec insistance à la maison. Prescience d'adultes sur ma vraie nature ou hasard, ils favorisèrent au maximum cette succession de relations féminines qui n'était pour moi qu'un passe-temps.
Mes vrais béguins portaient le cheveu court et n'enfanteraient jamais. Ils passèrent dans ma vie sentimentale de façon très platonique durant des années, puis de moins en moins platonique. Les filles restèrent présentes longtemps et j'acceptai même de jouer à celui que je n'étais pas, pour faire comme tout le monde. Mais lorsque les choses sérieuses commencèrent, tu restas dans les limbes, pendant que je testai l'amour des hommes.
Je pensais à toi de temps à autres mais je ne voyais pas comment t'accueillir sur terre sans transformer ma vie et celle d'une amoureuse sincère en enfer. Déjà qu'entre seize et dix huit ans mes tentatives pour t'ouvrir une brèche avaient torturé quelques innocentes victimes de mon irresponsabilité, il était inutile de s'acharner. A mes vingt-cinq ans une amie me proposa de te concevoir en pleine connaissance de cause, je fus ébranlé par sa conviction.

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Baby boy par Nils Fretwurst sous licence GFLD
Baby boy par Nils Fretwurst sous licence GFLD

Jamais tu ne frôlas d'aussi près l'existence.
Mais ton destin me parut hasardeux, et te causant peut-être un choc terrible, je dis non, je ne le veux pas. Savais-tu que ma déception ne l'était pas moins, et que cette décision me pesa des années? Mais je m'habituai, et mon lien avec toi se distendit. Je tentai de t'oublier avec ingratitude.
A mes trente ans mes convictions scientifiques et mes résolutions de stérilité vacillèrent. Plus pour rire, je visitai une médium conseillée par des collègues, elle me fit une liste de mes futurs déménagements, emplois, relations sentimentales. Je la fréquentai durant six ou sept ans car tout ce qu'elle me prédisait se réalisait. Elle me prédit aussi, que tu déboulerais dans ma vie dans un futur lointain, d'une manière qu'elle qualifia de non-conventionnelle. Sans en être consciente, elle rouvrit ainsi la vieille blessure.
Il est étonnant que seule cette annonce là ne soit pas encore réalisée, à l'orée de ma maturité, alors que presque tout le reste est accompli.
Mais il me faut reconnaître que tu n'es pas là. Et je dois aussi avouer que ton espace au fond de mon cœur n'est toujours pas comblé.
Et si aujourd'hui quelqu'un me disait que c'est simple et qu'il est temps que tu nous rejoignes, je répondrais "oui, je le veux". Mais toi, le voudrais tu?

12 commentaires:

  1. Peut-être un enfant caché quelque part et qui surgira un jour ou bien une adoption. Ou tout simplement une rencontre qui te donnera le rôle de père sans être le géniteur. En tout cas jolie déclaration à un enfant

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  2. J'ai rarement obtenu quelque chose sans le chercher, mais sait-on jamais? Parfois le hasard frappe à la porte! Merci.

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  3. Il n'est jamais trop tard...J'ai du mal à imaginer comment j'aurais survécu dans le "monde des hommes" sans être entouré d'une"famille"....
    Peut-être que c'est "Ton Chéri" qui va se mettre au boulot, le résultat sera le même!!

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  4. Ta note est magnifique... En tout cas, ne perds pas espoir, un jour peut-être ton rêve se réalisera!!

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  5. C'est trop jouli :D Moi aussi je veux un enfant. Je l'ai toujours sur, et je sais que je l'aurais. C'est une certitude inébranlable. Même si ça parait très compliqué, j'y arriverais, en temps voulu. Et toi aussi, j'en suis sur. Bisous

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  6. Il y a mille façons d'être père. Être père c'est aimer, éduquer, transmettre... La paternité peut être telle qu'on l'entend habituellement. On peut s'accomplir comme père autrement. Une paternité spirituelle ou intellectuelle si tu préfères. Et l'union des âmes n'en sera pas moins belle ni moins forte.

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  7. NIGLOO : Le destin t'entende! Peut-être que si cette idée me colle, c'est que quelque chose m'attend encore dans l'avenir.
    ALBAN : Merci. Peut-être un jour...
    FABISOUNOURS : Ta certitude fait chaud au cœur. Si tu le veux vraiment et que tu t'en donnes les moyens, tu l'auras (les aura) certainement. On prend date.

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  8. TAMBOUR MAJOR : C'est très beau ce que tu dis. J'ai eu un prof qui se reconnaîtrait là dedans. Un jour je devrais raconter.

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  9. Ha le fameux désir d'enfant !
    J'ai eu mes périodes moi aussi, mais bon plus facile que toi surement :)
    Mais cela m'a passé, et pas duré trop longtemps...
    Je choque toujours mais je suis heureuse sans !
    D'un commun accord avec mon homme, nous continuons à nous consacrer l'un à l'autre et à deux, je trouve que l'on es déjà une famille !
    Je suis de l'avis qu'un jour si tu n'y pense pas trop, un truc va te tomber sur la tête ! Je veux dire un truc génial bien sûr en tout cas je te le souhaite sincèrement, j'aime beaucoup ta sensibilité, ton enthousiasme aussi dans ce que tu écris, mais là c'est différent, je suis émue...
    Je continue ma promenade chez toi, bisous et bonne fin d'après-midi !

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  10. Promenade hélas terminé !
    Tu vas avoir de la lecture, j'ai repris ou je mettais arrêté, le 1er juin !
    Je t'embrasse très fort et à bientôt !!!!

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  11. VIRGINIE : Merci pour la visite! Tu es vraiment unique, à commenter d'un coup un mois de billets! Un bonne surprise de la fin de weekend pourmoi, je vais les déguster tranquillement... Moi aussi je t'embrasse, à bientôt sur ton blog!

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  12. VIRGINIE : C'est bien dommage que cela choque, chacun a bien le droit de vivre sa vie comme il l'entend. J'ai déjà eu de longues périodes où je ne pensais pas à l'absence d'enfant, d'autres où je me trouvais juste égoiste de le vouloir pour ma propre satisfaction, et d'autres où je ne voulais pas lancer un enfant dans ce monde là. Et puis je crois que bientôt, il sera vraiment trop tard pour l'élever. Je suis compliqué je sais.

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