Cela a commencé il y a bien longtemps, lorsqu'à l'arrivée de l'homme de ma vie je décidai de céder à la loi de la banalité et de l'appeler "CHéri". Sans en avoir conscience, je fis entrer dans mon intimité les CHe et leur naïveté désespérante.
De "mon CHéri" en "CHéri, où sont les gants de vaisselle", je me condamnai à prononcer plusieurs fois par jour ces CHe ringardisants et trivialisants. La recherche du bien-être, symbolisée par les CHe, allait progressivement endormir mes velléités de rester sur la brèche. Car je l'ignorais à ce moment, il ne s'agissait encore que de la première phase de la stratégie d'invasion systématique de tous les instants de ma vie par ces intrus, jusqu'à en faire un enfer de CHuitements.
En effet, par la suite, outre un CHéri qui n'a pas voulu repartir, c'est un individu de la gent canine qui a apprivoisé mon intérieur. Un CHien, donc. Bien sûr nous n'avons pas eu l'outrecuidance de l'appeler "le CHien", patronyme célèbre de CHiens dans la littérature, à moins qu'il ne s'agisse de celui de Columbo.

Mais nous l'avons surnommé affectueusement, dans notre totale inconscience, "la CHienne", ou plus couramment "CHiéCHiène". On pouvait remarquer au passage que sous couvert de familiarité ordinaire, cette dernière dénomination doublait le nombre des CHe parasites dans le même nom. C'était la marque de fabrique de la contagion des CHe : ils dévoraient insidieusement en toute discrétion. Rien ne les arrêtait, ils prenaient l'être entier. N'ont-ils pas dénaturé même la CHienlit? Je CHerCHai un remède, mais me heurtai aux CHe à chaque détour de phrase. J'ai voulu en maîtriser les effets secondaires les plus néfastes : être dépassé n'était pas agréable. Mais je ne trouvai aucune éCHappatoire dans le fait d'essayer être plus branCHé. La maladie gagnait du terrain. J'en arrivai à ne plus CHavoir où j'en CHuis.
Et le coup de grâce me fut asséné : l'arrivée de notre cHatoune. Nous habitâmes désormais CHez elle, ainsi que tous les serviteurs de CHats. Pourquoi fallait-il que les animaux les plus domestiques de l'homme viennent avec leur cortège de CHe ? CHaton, CHat, CHiot, CHien!

J'en appelai à toute la violence de Che guevara pour combattre la mièvrerie de mes CHe, hélas il me déçut par l'angélisme de son visage et l'usure de son image.
A présent les CHe me dominent, et me ramollissent, des dizaines de fois par jour.
Et je ne suis plus capable de faire sortir de mon environnement ceux qui les véhiculent en nombre, car ils ont CHangé mon existence. Je suis accroCHé, que veux tu!
Où est l'heureux temps de mon cynisme défunt, lorsque je croyais que les hommes seraient jetables, ma vie dirigée par la liberté et ma mode du jour chassée par celle du lendemain?
Tu es averti, si tu ne veux pas te faire attendrir par les CHe, ne laisse pas entrer CHez toi la CHaleur et l'attaCHement, car une fois contaminé tu seras enCHaîné. A moins que tu ne le veuilles un CHouya... Ou que tu n'aies déjà succombé à la douce tyrannie des CHe toi aussi.