vendredi 7 janvier 2011

ILE DESERTE

Je crois n'être pas le seul à avoir toujours eu la tentation de l'île déserte.
La paix, enfin retrouvée. Je goûterais le silence infini d'une quiétude délicieuse, où les trublions de la quotidienneté trépidante n'exerceraient qu'un écho fantomatique. Ne penser à rien, n'avoir que peu de besoins, vivre au jour le jour sans interrogation, sans avenir et sans passé.
Se mettre au soleil parce que ma peau en a envie, boire de l'eau lorsque la soif me dirige, dormir dès que Morphée me rend visite. Le bonheur sur la terre.
Forcément, il y a quelques minuscules conditions à cette condition. Mon île n'est pas tout à fait vide bien entendu, je ne l'envisage pas en tant que désert sec et inhospitalier. Elle contient de l'eau qui me désaltère à volonté, des arbres, plantes, fruits et animaux qui me nourrissent. C'est que mon équilibre alimentaire, fût-il au jour le jour, n'est pas négociable. Je n'ai pas le courage de cultiver, aussi toutes ces choses sont-elles à disposition sans effort.
Mon oeil se lassant d'un relief totalement plat, le paysage est légèrement vallonné, pour rendre son parcours intéressant. Dans la pratique, si des associations de prés, forêts et autres cours d'eau peuvent égayer mes promenades, je n'y vois pas d'inconvénient.
J'aime bien l'alternance des saisons et du climat, sans extrême, et mon île offre cette diversité. Et enfin je savoure la sérénité, libre dans mes actes comme dans ma tête. La nature m'offre des plaisirs renouvelés, et la béatitude pointe son nez.

Frédéric Bazille_Jeune_Homme
Frédéric Bazille Jeune homme (partie) sous domaine public
Mes yeux se reposent, mon corps se régénère.
Toutefois, il reste peut-être un tout petit rien : je me sens un peu seul...Mon chéri me manque! Mais qu'à cela ne tienne, c'est mon île après tout, ma baguette magique peut m'offrir la présence affectueuse et non pesante de mon entourage proche.
Je veille à leur confort, leurs amis sont donc conviés. Pendant que j'y suis, je ne pourrais me passer des animaux qui m'accompagnent. L'esclavage est minime, et la sincérité sans limite.
Je suis donc serein, et dans ma félicité euphorique, quasiment tout est merveilleux.
Un grain de sable cependant, je m'ennuie légèrement malgré tout. Je sème quelques râleurs dans la campagne, ils stimulent mon énergie, et également de ces personnages énigmatiques avec lesquels je n'ai aucune affinité mais qui m'ouvrent l'esprit. Je me mets à écrire, juste pour rompre toute lassitude. Ça y est, je suis parfaitement bien sur mon île.
Je peux écrire, lire, confronter...Lire? comment ai-je pu oublier les livres? Je rajoute fébrilement les bibliothèques, et un ordinateur relié à internet, puisque cela fait désormais partie de la lecture. Et j'y joins la communauté des internautes, sans laquelle internet ne serait rien. S'y intègre automatiquement ce qu'il faut pour faire fonctionner tout cela, politiciens véreux ou honnêtes, savants obscurs ou hommes de la rue.
Mais j'ai aussi oublié un toit sur ma tête, pour survivre à mes saisons! Un petit toit, avec quelques pièces en dessous, une petite véranda pour ma détente. Elle n'est pas luxueuse, je ne suis pas difficile.
C'est fait, mon île est prête, elle me convient car je peux faire quelque chose de ma vie dans cette île, dans la mesure de mes moyens. Je peux y être heureux.
Un dernier ultime petit détail : Il me faut saupoudrer mon île d'imprévu, dût-il être pénible, car je me connais, sans interventions du destin, je me lasserais.
Voilà, c'est parfait, elle est parfaite, je suis à pied d'œuvre pour me faire une vraie place, ma juste place, sur mon île.
Bien sûr, tu as compris à quoi elle ressemble, mon île. Je ne suis pas un vrai contemplatif, j'ai besoin de tout ce qu'il y a ici.
Puisque c'est ici et maintenant, mon île déserte, et tu y es aussi.

12 commentaires:

  1. eh oui, "quelqu'un" a du écrire le même scénario que toi y'a un paquet d'années!!;-)

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  2. Je suis bien en peine pour commenter, partagé que je suis entre un sourire béat et un petit rictus provoqué par une certaine forme d'ironie (non ?)et que j'ai cru déceler dans ton billet.
    Avoir un chez-soi et s'y sentir bien avec les gens que l'on aime, une pierre posée sur le chemin du bonheur.

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  3. L'ironie est que je parte d'une douce illusion, l'île déserte, pour arriver ...ici (pas d'autre ironie à ma connaissance)Je crains donc plus l'ennui que les désagréments de la vie actuelle.
    Néanmoins tout reste à faire (pour moi). Chercher ma place, réussir ma life.
    Mais je suis atrocement jaloux de ceux qui peuvent être heureux sur une île déserte sous les cocotiers sans se poser de questions!

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  4. Ouais, ben les îles désertes, c'est toujours infesté de moustiques... :P

    Le mec qui dort, il n'a jamais croisé d'aoutats.

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  5. A chacun de trouver son île dans la jungle de la civilisation. Très beau texte.

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  6. Ton île ne sera jamais tout à fait déserte,puisqu'il y aura au moins un archange.
    Bonne année à tous deux.

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  7. OLIVIER D'EVIAN: Héhé, c'est vrai, j'ai oublié les insectes, indispensables à notre survie et à l'amusement des touristes.

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  8. GOULI: Trouvons-la, et communiquons d'île en île.

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  9. NACHU : Si tu voyais mon jardin, tu ne serais pas si généreux.
    Au moins les insectes y trouvent-ils de nombreux refuges.
    Bonne année à toi.

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  10. C'est plus une île déserte, mais la vraie vie de tous les jours^^
    Joli texte ceci dit :))

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  11. DEEF : Désolé, j'ai conscience d'être totalement anti-romantique.
    Même pas honte.

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